Les impacts de la COVID-19 sur l’éducation des enfants, notamment dans les situations de déplacements de populations

Ce texte a été rédigé par Christian Champigny, Directeur des programmes internationaux et Florence Massicotte-Banville, Chargée de projets internationaux; et présenté dans le cadre d’une comparution devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le 25 février 2021.

 

L’éducation est un droit humain fondamental et un puissant agent de changement essentiel à la réalisation de chacun des 17 objectifs de développement durable. Consciente de ce pouvoir transformateur de l’éducation, la communauté internationale s’est fixée comme objectif d’assurer une éducation inclusive et équitable de qualité et de promouvoir des possibilités d’apprentissage pour tous d’ici 2030. La Fondation Paul Gérin-Lajoie a fait de cet objectif le cœur de sa mission.

Il est important de rappeler que même avant la pandémie de COVID-19, le monde devait faire face à plusieurs défis dans le secteur de l’éducation. À titre d’exemples:

– 258 millions d’enfants et de jeunes en âge de fréquenter l’école primaire et secondaire n’étaient pas scolarisés (ISU, 2018)

– Les enfants vivant dans les pays fragiles ou touchés par un conflit étaient plus de 2 fois susceptibles de ne pas être scolarisés (GEM, 2015)

– Les filles étaient une fois et demi plus susceptibles que les garçons d’être exclues de l’école primaire (GEM, 2016)

Aujourd’hui, la pandémie met encore davantage en péril l’atteinte de cet objectif mondial et menace les avancées réalisées en matière d’éducation. La pandémie de COVID-19 provoque en fait, depuis son apparition, la plus importante perturbation de l’éducation de l’histoire.

– 94% des élèves et étudiants dans le monde subirent l’impact de la pandémie à travers les mesures de confinement et la fermeture des écoles et autres espaces d’apprentissage, soit près de 1,6 milliard d’enfants et de jeunes.

– La crise a mis en relief la fracture numérique importante entre les pays. Les apprenants, et surtout les apprenantes, des pays à faibles et moyens revenus, et particulièrement les personnes déplacées ou réfugiées, ont accédé de façon très limitée aux mesures d’enseignement à distance mises en place.

– La fermeture des écoles a mené à un accroissement des tâches domestiques et des activités de soin à autrui non rémunérées pour de nombreuses filles, adolescentes et jeunes femmes, ce qui a limité leur accès à l’éducation.

– La crise a exposé les filles, adolescentes et jeunes femmes à divers risques en matière de protection en les privant notamment de la structure et la confiance qu’apportent en temps normal les écoles.

– La pandémie a déjà entraîné une hausse de la violence basée sur le genre et de la maltraitance des enfants.

Les effets négatifs de la pandémie s’aggraveront par ailleurs suite à une possible crise économique mondiale, avec des effets tels que

– La baisse du pouvoir économique des ménages, qui mènera à un plus haut taux d’abandon scolaire. On estime en effet que près de 24 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes pourraient abandonner ou ne pas avoir accès à l’école cette année en raison du seul impact économique de la pandémie.

– Les abandons scolaires, qui iront de paires avec une augmentation marquée du travail des enfants, de l’exploitation sexuelle et des mariages précoces.

– Les coupures dans les budgets nationaux alloués à l’éducation, frappant ainsi directement les écoles et le personnel enseignant.

– Une baisse possible, et significative, de l’aide publique au développement qui pourrait entraîner une coupure de l’aide à l’éducation de 2 milliards de dollars américains d’ici 2022.

Dans le cadre de ses projets internationaux, la Fondation Paul Gérin-Lajoie a pu observer les impacts de la crise dans les pays d’intervention. 

À titre d’exemple, grâce au financement d’Affaires mondiales Canada, la Fondation Paul Gérin-Lajoie met actuellement en œuvre, de concert avec le Centre d’étude et de coopération internationale, un projet pour l’éducation des filles réfugiées et déplacées au Burundi, au Rwanda et en République démocratique du Congo. Au camp de Mahama, au Rwanda, plus de 60,000 réfugiés burundais se sont retrouvés confinés en raison de la pandémie alors que, pour plusieurs, les seules opportunités d’avoir un revenu se trouvaient à l’extérieur du camp. Les écoles durent fermer leurs portes. Nous prévoyons suite à nos observations qu’un nombre important de filles ne retourneront pas à leur parcours éducatif, notamment pour appuyer leur famille économiquement. Nous notons par ailleurs une forte augmentation des grossesses précoces, autre facteur important limitant le retour à l’école. Pour de nombreux enfants de ce camp, en particulier pour de nombreuses filles et adolescentes, la pandémie signifiera une perte ou un retard d’apprentissage ou encore l’arrêt de leur scolarité et laissera une trace sur l’avenir de toute une génération.

En conclusion, la Fondation Paul Gérin-Lajoie souhaite joindre sa voix à la centaine d’organisations de défense du droit à l’éducation souscrivant au livre blanc « Sauvez notre avenir » qui propose une série d’actions à mener à moyen et long terme pour éviter une catastrophe éducative.

Nous souhaitons porter à l’attention du Comité deux éléments névralgiques de ce livre blanc qui, à notre avis, méritent une considération particulière.

–  En premier lieu, en réponse à la crise, on peut être tenté de tout miser sur une logique de rattrapage en concentrant sur les enfants nouvellement affectés par le déficit éducatif et sur une surutilisation de l’apprentissage assisté par la technologie, détournant de ce fait l’attention des problèmes structurels fondamentaux préexistants en matière d’apprentissage.  Or, il est essentiel que les politiques et les réformes du secteur de l’éducation ne soient pas que réactives et à court terme, mais qu’elles se concentrent sur des interventions éprouvées et particulièrement sur le renforcement du personnel de l’éducation.

– Deuxièmement, il sera important de protéger le financement de l’éducation. Cela signifie notamment de plaider pour la préservation des budgets allouée à l’éducation dans les pays en développement et de protéger l’aide publique au développement (APD) destinée à l’éducation.

 

Fin du texte.