L’approche des contrats sociaux comme outil de transformation communautaire pour l’égalité entre les femmes et les hommes 

Dans l’est de la République démocratique du Congo, où se croisent les défis des changements climatiques et de l’instabilité causée par des conflits prolongés, le projet Femmes en Action déploie une approche innovante pour garantir les droits des femmes et des filles : les contrats sociaux. Cet outil participatif, qui engage l’ensemble d’une communauté dans la protection des droits, s’avère particulièrement pertinent dans les territoires de Kabare, Kalehe et Mwenga au Sud-Kivu, ainsi qu’à Walikale au Nord-Kivu, où le projet est mis en oeuvre.

Une approche éprouvée, adaptée aux réalités locales

Un contrat social est un document écrit, traduit dans les langues locales, qui identifie les principales barrières auxquelles font face les femmes et les filles dans leur accès aux droits fonciers et aux ressources naturelles, mais aussi dans le respect de leurs droits fondamentaux. Les contrats sociaux engagent les acteurs clés de la communauté : leaders politiques, coutumiers et religieux, mais aussi l’ensemble des membres de la communauté. Ce processus collectif permet d’accompagner les communautés dans des prises de décision partagées, de soutenir le leadership local, et surtout, de formaliser un engagement envers les obstacles qui freinent l’accès des femmes au respect de leurs droits fondamentaux. Par exemple, les violences basées sur le genre restent un obstacle majeur à l’accès des femmes en ressources, en plus de la violence systémique liée aux difficultés d’accès au foncier et ressources productives.

Cette approche des contrats sociaux a été adaptée et perfectionnée à travers plusieurs projets menés par la Fondation Paul Gérin-Lajoie et ses partenaires. Le projet ÉDUFAM, également mis en œuvre dans la région des Grands Lacs en consortium avec le CECI pour permettre l’accès à l’éducation des femmes, jeunes filles et filles réfugiées et déplacées, a démontré l’efficacité remarquable de cet outil : 

➡️ 97 % des filles et adolescentes ont constaté une amélioration de l’équité dans l’accès à l’éducation.

➡️ 81 % des parents d’élèves reconnaissent désormais que les responsabilités familiales nuisent à l’éducation des filles, contre seulement 41 % au démarrage du projet.

S’appuyant sur ces succès, le projet Femmes en Action a introduit les contrats sociaux dans ses territoires d’intervention, en les adaptant spécifiquement aux enjeux d’accès et d’usage des ressources agro-forestières par les jeunes filles, les femmes et les communautés autochtones.

Atelier de sensibilisation à la prise en charge des violences basées sur le genre et la santé sexuelle et reproductive dans le territoire de Kabare/Kalehe. Crédit photo : Lydie Waridi Kone, Caritas-développement Goma.

La responsabilité communautaire au cœur du changement

Ainsi, l’objectif fondamental des contrats sociaux est de replacer la responsabilité communautaire au cœur de l’action. Dans les zones fragiles et touchées par les conflits tout particulièrement, cette approche transforme la protection des droits des femmes en priorité collective, partagée par l’ensemble de la communauté. Elle permet de lutter contre les violences basées sur le genre à la racine et de former des communautés engagées à faire vivre le respect des droits des femmes. 

Dans le cadre de Femmes en Action, les contrats sociaux engagent notamment les autorités locales et les personnes influentes dans la protection des jeunes filles, des femmes et des autochtones dans leur accès et leurs usages des ressources agro-forestières. Cette mobilisation des détenteurs de responsabilités et d’obligations en faveur de l’égalité de genre et des droits humains crée un environnement favorable au changement durable.

Au-delà de la signature d’un document, les contrats sociaux instaurent un véritable mécanisme de redevabilité communautaire. Ils permettent de promouvoir une redevabilité sociale claire autour des engagements pris. Ainsi, les droits fonciers, environnementaux et forestiers des jeunes filles, des femmes et des peuples autochtones ne restent pas de simples aspirations, mais deviennent des objectifs mesurables et suivis collectivement. Cela s’avère particulièrement pertinent dans le contexte du projet où les femmes agricultrices doivent pouvoir accéder de manière sécurisée aux terres et aux ressources forestières pour mettre en œuvre des pratiques agricoles durables et des solutions fondées sur la nature. 

Les contrats sociaux ne fonctionnent pas en vase clos. Ils s’intègrent dans l’approche holistique de Femmes en Action, créant des synergies avec les autres composantes du projet. Lorsqu’une femme acquiert des compétences en alphabétisation et en littératie financière, elle est mieux équipée pour comprendre et faire valoir ses droits fondamentaux et fonciers formalisés dans les contrats sociaux. De même, les formations sur la santé et les droits sexuels et reproductifs, ainsi que sur les violences basées sur le genre, renforcent la capacité des femmes à défendre leurs droits au quotidien.

Cette complémentarité permet d’ancrer les droits fondamentaux, fonciers et environnementaux des femmes dans les cadres juridiques locaux, tout en ouvrant un dialogue avec les autorités. Cette évolution marque une avancée significative dans la mobilisation collective pour l’égalité d’accès à la terre, condition essentielle pour l’autonomisation économique et sociale des jeunes filles et des femmes dans la région.

Femmes en Action prévoit un renforcement holistique des femmes, notamment à travers l’alphabétisation fonctionnelle. Cela leur permet d’être autonomes et de pouvoir mieux défendre leurs droits. Les communautés sont directement engagées dans l’avancement des compétences des femmes grâce aux contrats sociaux. Crédit photo : Lydie Waridi Kone, Caritas-développement Goma.

Vers une transformation durable

Les contrats sociaux représentent bien plus qu’un outil : ils constituent un mécanisme de transformation sociale qui perdure au-delà du projet. En impliquant les leaders communautaires et en les amenant à s’engager publiquement, cette approche crée les conditions d’un changement durable des attitudes et des pratiques. L’expérience a montré que lorsque les dirigeants communautaires et religieux sont convaincus de la valeur de l’égalité des droits, ils deviennent des agents de changement déterminants au sein de leurs communautés. Ils deviennent ainsi de réels alliés contre les violences basées sur le genre et contribuent activement à leur élimination au sein des communautés dont ils font partie. 

Dans le contexte complexe de l’est du Congo, où les femmes font face simultanément aux impacts des changements climatiques, à l’insécurité alimentaire et aux violences, les contrats sociaux offrent un cadre structurant pour garantir leurs droits et leur permettre de développer leur résilience. Ils constituent ainsi un pilier essentiel du projet Femmes en Action dans sa mission d’accroître l’autonomisation et l’adaptation aux changements climatiques des jeunes filles et femmes vulnérables de la région.

Femmes en Action est un projet mis en œuvre par la Fondation Paul Gérin-Lajoie, en consortium avec le Jane Goodall Institute of Canada, et en partenariat avec cinq organisations congolaises : Caritas Développement Goma, Coalition des femmes leaders en environnement et développement durable (CFLEDD), Jane Goodall Institute RDC, Pilier aux femmes vulnérables actives (PIFEVA) et la Plateforme Diobass au Sud-Kivu. Le projet est financé par Affaires mondiales Canada.