Hommage à PGL, par Normand Baillargeon
Professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) de 1989 à 2015, chroniqueur, philosophe et essayiste, Normand Baillargeon a rendu hommage à l’héritage de Paul Gérin-Lajoie.
Pour vous, qui était Paul Gérin-Lajoie ?
En tant que premier titulaire du ministère de l’Éducation du Québec, c’est un personnage majeur, quelqu’un d’extrêmement important qui appartient à une période historique cruciale pour le développement de l’éducation au Québec. Nous sommes à cheval sur la fin des années 50 et le début des années 60, une période où le Québec, comme d’autres pays industrialisés, découvre que son système de société en général est très contestable puisqu’il tend à reproduire des injustices dans l’accès à différents services tels que l’éducation, la santé, etc. La province de Québec décide donc de travailler là-dessus, dans une période de mutation économique importante où la société s’industrialise, se transforme. L’éducation va devenir une des clefs pour réduire les problèmes d’accès aux différents services sociaux. Or, au Québec, ce sujet se pose d’une manière aiguë en raison de la place importante que prennent les institutions religieuses dans l’éducation. Cela va susciter des bouleversements sociaux profonds et je trouve que les choses ont été faites d’une manière exemplaire, en créant en 1961 la commission Parent et en mettant sur pied une vaste consultation populaire et collective avec des gens provenant de tous horizons. Cette commission était dirigée par Mgr Parent appuyé entre autres spécialistes par le journaliste Gérard Filion et le sociologue Guy Rocher et qui vont, ensemble, faire une longue, une profonde et savante réflexion sur l’éducation et mettre sur pied des réformes sur lesquelles nous vivons encore aujourd’hui : CÉGEP, le réseau des universités du Québec, les polyvalentes, l’accès à l’éducation pour tous. Ces décisions extrêmement importantes, il fallait les porter au niveau politique, en créant notamment un ministère de l’éducation. C’est Paul Gérin-Lajoie qui a fait ça. Il ne suffisait pas d’avoir des idées, il fallait actualiser ça sur le terrain politique. Lui l’a fait.
À titre personnel, avez-vous bénéficié de cet héritage ?
Mon cas est particulier parce qu’au moment où tout ça se crée, je pars pour l’Afrique avec mes parents, au Cameroun d’abord, puis au Sénégal. Là-bas, j’ai été éduqué dans le système français d’éducation. Mais je témoigne qu’une quantité phénoménale de gens au Québec n’aurait jamais eu accès à l’éducation, à l’université, si l’on était resté avec les structures d’autrefois. La voie d’accès à l’université était le cours classique réservé à une infime minorité. Le système dans lequel nous vivions était élitiste et ne favorisait que les plus privilégiés. En ce qui concerne le travail de Paul Gérin-Lajoie, les femmes lui doivent énormément de remerciements puisque le système était profondément sexiste, seuls les garçons accédaient au cours classique. PGL a mis un terme à cette injustice. Aujourd’hui, à l’aube de 2020, il me semble que nous sommes mûrs pour une réflexion semblable au travail remarquable réalisé il y a maintenant 50 ans par la Commission Parent.