Le processus de capitalisation expliqué par Chantal Dionne
L’équipe IDDA Haïti en rencontre à distance pour la capitalisation
24 août 2020
Au sein des organisations de coopération internationale, le processus de capitalisation est essentiel. C’est grâce à cette démarche que nous pouvons analyser et évaluer le chemin parcouru vers l’atteinte des résultats, de sorte à le reproduire tout en améliorant nos pratiques. Mais véritablement, la capitalisation, c’est quoi?
Chantal Dionne a rejoint la Fondation au printemps dernier à titre de coopérante volontaire experte en capitalisation pour le projet projet Insertion durable des diplômés en agropastoral (IDDA). Bachelière en sciences appliqués, spécialisée de la bio agronomie, elle possède également une maîtrise en gestion de projet et un diplôme de deuxième cycle en psychosociologie. Depuis 2012, Chantal cumule une impressionnante fiche de route dans le milieu du développement international. La Fondation s’est entretenue avec elle…
Dites-nous Chantal, en quoi consiste le processus de capitalisation?
La capitalisation est un processus méthodologique participatif qui fait directement appel aux acteurs qui ont contribué aux résultats. Ce n’est pas l’analyse du résultat, mais bien du chemin qui a mené à ce résultat.
Donc, par exemple, on déconstruit le processus qui a mené aux résultats du projet IDDA pour l’analyser :
- On analyse ce qui a été fait
- Comment on l’a fait en identifiant les stratégies, les approches;
- On interprète de façon critique (analyse) en répondant à la question Pourquoi? Pourquoi avons-nous fait ainsi?
- Quels ont été les facteurs de succès, lesquels et pourquoi?
- Quels ont été les facteurs de blocage/difficultés , lesquels et pourquoi
- Quelles ont été les erreurs à corriger (si c’était à refaire, qu’est-ce que je changerais?)
- Quels sont les changements survenus (résultats/avancées)?
- Quels sont les apprentissages significatifs (les leçons apprises)?
Et ensuite, on reconstruit de façon synthétique le processus : les fiches de bonnes pratiques, par exemple.
La capitalisation est sous-tendue par 3 logiques :
- une logique de mémoire: le savoir capitalisé est issu d’un travail de mémoire basé sur ce qui a été fait,
- une logique de méthode facilitant le repérage des savoir-faire, leur sélection et leur modélisation conjuguées avec une logique d’inventaire retraçant l’histoire de l’action répondant à la question « Qu’avons-nous fait pour obtenir ce résultat? »,
- une logique d’action permettant d’une part d’apprendre à partir des pratiques en vue de progresser, et d’autre part d’appliquer des savoir-faire développés au cours des pratiques.
Lors de l’atelier portant sur le choix des axes de capitalisation; illustre le processus.
Et pourquoi est-ce important d’effectuer ce processus?
Il est nécessaire d’effectuer le travail de capitalisation pour de nombreuses raisons:
- Bonne gestion et de partage de connaissances, de pratiques et de leçons générées par ce projet
- Organisation apprenante : ne pas réinventer la roue
- Repenser ses interventions
- Récolter le fruit de l’expérience
- Levier à de nouveaux projets
- Identifier et partager les innovations, les outils, les démarches
- Fédérer les équipes
- Permettre la réplication
La capitalisation est donc importante pour la Fondation car, à la lumière des résultats de cette capitalisation, elle pourra s’en servir pour bonifier de nouveaux projets, améliorer les pratiques et être un agent d’innovation sociale. Cette démarche est également important les bailleur de fonds; pour leur permettre de comprendre pourquoi un tel projet est porteur pour les sociétés vulnérables.
Et qu’en est-t-il pour le terrain?
La capitalisation revêt une importance particulière pour le terrain, puisqu’elle permet d’offrir un modèle, qui fonctionne, à répliquer au sein d’autres régions, d’autres pays, par exemple. Pour appuyer mes dires, voici un témoignage recueilli de la part d’une personne bénéficiaire du projet IDDA: « IDDA contribue à la paix au Mali! Rien de moins. Avant les jeunes diplômés étaient devant rien…le chômage et même se tournaient vers les extrémistes… Avec IDDA, et la formule d’insertion, ils ont un projet de vie. Des jeunes installés ont maintenant la capacité de se marier et de faire vivre leur famille. Donc, avec les bons outils, la volonté des centres de formation et la volonté politique, il est raisonnable de penser que tous les pays pourront s’inspirer du modèle. Il est en agropastorale, mais peut bien de répliquer dans d’autre FTP. »
Concernant IDDA, quand les résultats seront-ils disponibles?
La méthodologie de collecte de données et les outils sont terminés. Quand à la collecte elle-même, elle se fera au prochain trimestre. L’analyse, la synthèse, la restitution et les produits de capitalisation seront effectués à l’hiver 2021 pour un dépôt prévu à la fin mars 2021. Bien entendu, s’en suit un processus de révision par la Fondation. La date de diffusion n’a pour le moment pas encore été fixée.
Dites-nous, quelles difficultés avez-vous rencontrées au cours de votre mandat?
Il est évident qu’en période pandémie, j’ai fait face à de nombreux enjeux dans le cadre de mes fonctions… En voici quelques-uns:
- Mandat à distance qui m’a amenée à faire preuve de créativité afin de rendre les ateliers de capitalisation attrayants. Je mets le temps nécessaire à trouver les bonnes images pour illustrer les concepts (ex : allégorie de la pâte à pain pour expliquer le concept – l’arbre pour valider les axes choisis par les terrains)
- Par définition, la capitalisation est un processus méthodologique et participatif. Les ateliers ont été moins « ludiques » que si j’avais été sur le terrain. Je pense que je m’en suis relativement bien sortie.
- Réalité sur laquelle je n’ai aucun pouvoir: le contexte sociopolitique des pays (Haïti-Mali) ou des rencontres ont dû être déplacées.
- La connexion internet (réseau- délestage de courant-tempête tropicale…)
- Les enjeux géographiques: les participants (Mali-Bénin) sont dans des zones différentes : plus difficile de faire dans le participatif.
- Prendre en compte les contextes sociopolitique et sanitaire (COVID-19).
- Composer avec la disponibilité des gens.
- Je suis d’abord axée sur la relation et ensuite sur la tâche. J’ai apprécié les moments où l’on pouvait se voir à la caméra. En présentiel, le langage non verbal m’indique la voie à suivre dans le dialogue.
- Performance du télétravail en contexte de confinement avec la famille à la maison.
Globalement, je suis très satisfaite de ce mandat. Malgré la distance, nous avons fait équipe, un peu comme si nous avions toujours travaillé ensemble. Les membres des comités de capitalisation ont été d’une générosité de paroles, de savoirs.
Et au-delà des difficultés rencontrées, quelles leçons en tirez-vous?
La capitalisation d’un projet, dans trois pays, et à distance, est un projet fort ambitieux. Bien vite, l’enjeu du temps s’est manifesté. Heureusement, les échéanciers de mon plan de travail sont là pour donner une ligne de conduite afin d’atteindre les objectifs du mandat; je dois m’y référer avec souplesse et les réviser afin de m’ajuster à la réalité du terrain et du fait que ce mandat s’exécute à distance. Par ailleurs, en télétravail, il est à noter qu’il est préférable de tenir des ateliers de courte durée.
Dans un autre ordre d’idée, je constate à nouveau que nos partenaires sont sans cesse en relation attachement-détachement. Les volontaires passent le temps d’un mandat; un lien de confiance et de respect mutuel se crée et puis voilà, nous les quittons.
Finalement, il est primordial d’établir dès le début du mandat notre désengagement, de sorte à assurer que les partenaires locaux soient en mesure de poursuivre le processus seul.
À propos d’IDDA
Le projet IDDA est mis en œuvre par la Fondation Paul Gérin-Lajoie et l’organisation non gouvernementale APRETECTRA afin de répondre aux problèmes d’employabilité et d’insertion sur le marché du travail auxquels les jeunes, particulièrement les jeunes finissantes et finissants des lycées agricoles sont confrontés au terme de leur formation. En savoir plus.