ISEF et son approche novatrice de l’individuel dans le collectif (AIC)

Au Bénin, les femmes maraîchères font face à des défis considérables dans le développement et la gestion de leurs activités agricoles. Malgré leur rôle crucial dans la production alimentaire et l’économie locale, elles sont souvent confrontées à des obstacles tels que le manque d’accès aux ressources financières, aux formations adéquates et aux marchés. Ces défis limitent leur capacité à agrandir leurs exploitations, à augmenter leur production et à améliorer leurs conditions de vie.

Comme de nombreuses femmes maraîchères au Bénin, Philomène résidant à Grand-Popo, a dû faire face aux difficiles réalités locales dans le développement de son activité. “ Avant, c’était vraiment difficile pour moi. Personne dans mon village ne comprend vraiment le travail d’une femme entrepreneure. Je voulais vraiment agrandir mon champ et vendre mes produits, mais je n’avais pas accès à l’argent, aux formations ou aux marchés pour le faire. Et puis, il y avait toujours tant de choses à faire à la maison pour mon époux et ma famille. Même si je travaillais dur dans les champs, je devais souvent laisser ma production pour m’occuper des besoins de ma famille. C’était comme si je ne pouvais jamais vraiment me consacrer à mon activité agricole comme je le voulais” contextualise Philomène.

Grâce aux formations reçues et à l’appui en matériel et équipements du projet ISEF – Initiative pour la co-construction d’un savoir commun Sud-Sud et Sud-Nord sur l’Entrepreneuriat féminin, Philomène a pu développer son activité.  » Grâce à ce que j’ai appris avec l’AIC, ces moments où on partage nos expériences ont vraiment changé ma vie. J’ai pu parler avec d’autres femmes comme moi qui font du maraîchage, j’ai beaucoup appris d’elles. Elles m’ont montré des astuces et des techniques que je n’aurais jamais connues toute seule. Ces rencontres m’ont ouvert les yeux sur plein de choses que je pouvais améliorer dans mon champ. Nous avons aussi eu la chance de bénéficier d’un accès au crédit en caution solidaire pour nos activités. De plus, en achetant les intrants agricoles en gros ensemble, nous avons réussi à obtenir des prix plus bas, ce qui est très important pour nous qui avons des budgets serrés ”.

Aujourd’hui, en multipliant ses sites de production, Philomène a augmenté ses revenus et amélioré sa qualité de vie. “ Lors de la dernière campagne, j’ai économisé suffisamment d’argent pour m’acheter une parcelle et j’ai commencé la construction de ma maison ”.

Par ailleurs, le projet a eu un impact bien au-delà des femmes directement impliquées ; il a également touché d’autres membres de la communauté, comme Guillaume, un jeune maraîcher local.

Les femmes maraîchères, après avoir bénéficié des formations du projet, ont compris l’importance de déléguer certaines tâches pour mieux gérer leur temps et optimiser leur production. Elles ont alors décidé d’embaucher des ouvriers pour les aider dans leurs exploitations. Selon Philomène, “cette décision a non seulement amélioré notre productivité mais a aussi augmenté nos revenus, dépassant ceux des femmes de la communauté qui travaillaient de manière traditionnelle ”.

L’impact positif de cette collaboration a été ressenti par Guillaume lui-même. Il a déclaré :  » Grâce à l’argent que je gagne en travaillant avec les femmes membres de la coopérative, qui me rémunèrent mieux, j’ai pu économiser et me payer des cours de couture. Je suis très heureux de vous annoncer que j’aurai mon diplôme de couturier le mois prochain. »

Dans la même veine, le projet ISEF c’est plus qu’un soutien aux femmes entrepreneures ; il agit également au sein des foyers pour promouvoir une dynamique familiale plus harmonieuse et égalitaire. Togbé Ézéchiel, le mari de Philomène, a également été touché et transformé par le projet ISEF. Après avoir suivi des formations en masculinité positive proposées par le projet, il a pris conscience de l’importance du rôle de sa femme dans le foyer et dans leur activité maraîchère.

Avant ces formations, les traditions et les coutumes locales avaient obscurci sa perception du travail de sa femme, ne lui permettant pas de reconnaître pleinement son rôle et son importance. Togbé Ezekiel témoigne :  » C’est l’incompréhension du rôle que jouait ma femme dans le foyer à cause de nos coutumes qui fait que je n’ai jamais remarqué son travail et l’importance de celui-ci. Aujourd’hui, je suis devenu un partenaire plus engagé et investi dans l’activité de ma femme, je l’accompagne désormais lors de l’achat des intrants agricoles sur ma moto, discutant ensemble pour obtenir les meilleurs prix. Parfois, j’y vais même seul ”.

Ainsi, le projet contribue à créer un environnement familial où chaque membre est valorisé et où les responsabilités sont partagées de manière équilibrée, renforçant ainsi les liens au sein de la famille et favorisant le bien-être de tous.

* Cette histoire à succès est le fruit d’un reportage terrain au Bénin réalisé par Yasmine Sehi-Lou, volontaire du Nouveau Québec sans frontières (NQSF), un programme d’introduction à la coopération internationale du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF).