« Le contact humain avec le terrain est primordial. »

De retour du terrain dans le cadre de sa mission de chargé de projets internationaux, Léandre Schliffer témoigne de son expérience au Mali et en Haïti.  

En quoi consistent les missions terrain et qu’es-tu allé faire exactement ?

Je me suis rendu aux mois d’avril et de mai au Mali pour le projet IDDA et les cantines scolaires, et en Haïti pour IDDA. Les chargé-e-s de projet de la Fondation réalisent deux missions par an, et celles-ci consistent en un suivi des activités réalisées sur le terrain. Nous travaillons avec des organisations locales et il est donc important d’assurer une bonne coordination et un suivi des activités pour la rédaction de nos rapports annuels à destination de nos bailleurs de fonds. Les équipes locales ont préparé la partie narrative et il nous reste à faire un suivi un peu plus global. Le but ultime de ma mission était de montrer la progression qui a eu lieu par rapport à la dernière, en novembre 2018.

Où en est-on à mi-parcours ?

Il a beaucoup d’indicateurs différents, mais tous sont en bonne position. Le projet IDDA concerne quatre cohortes au Mali et en Haïti. Les membres de la première cohorte en sont à la deuxième année d’existence de leurs entreprises donc en phase de consolidation, la seconde cohorte est en phase d’insertion professionnelle, la troisième vient de commencer les stages tandis que la quatrième est en cours de formation.

Les bénéficiaires sont-ils satisfaits des opportunités qu’offrent les projets de la Fondation Paul Gérin-Lajoie ?

Même si c’est parfois difficile à évaluer, car chaque parcours est individuel et le temps passé sur place est relativement court, l’impression générale que j’ai et que le projet fonctionne bien, les jeunes sont satisfaits et développent leurs activités avec succès. Je pense à un jeune particulièrement que j’avais rencontré en octobre 2018 et avait juste un petit poulailler et quand je suis revenu il y a deux semaines, il avait quadruplé son nombre de poules, avait un terrain plus grand et continue son développement. Il y a même de stagiaires des cohortes suivantes qui viennent se former chez lui, car il est devenu maître de stage. Ce sont des choses qui font vraiment plaisir et cela m’intéresserait de le revoir la prochaine fois pour voir jusqu’où il peut aller. L’objectif sur le terrain est aussi de faire témoigner les jeunes de leurs réussites pour davantage promouvoir et sensibiliser sur leurs parcours auprès de leurs communautés. Cette médiatisation accroît les bénéfices des projets et pour les acteurs, leurs familles et leurs communautés, c’est vraiment très gratifiant.

Et les cantines scolaires ?

C’est notre second projet au Mali. Il y a eu une grande grève au niveau du ministère de l’éducation ces dernières semaines, donc les cantines ont fonctionné au ralenti, mais nous en avons ouvert une supplémentaire en début d’année. Néanmoins depuis la fin de la grève, ces quatre cantines ont repris leur fonctionnement et nous travaillons à leur pérennisation. Celle-ci passe par l’implication communautaire, par le biais des champs et jardins écoles qui pourront permettre une autonomie et une sécurité alimentaire. Ce défi est ambitieux, car les besoins sont importants, mais je sens nos partenaires très impliqués vers cet objectif.

Quels sont les grands enjeux de développement au Mali ?

C’est un pays énorme et très centralisé dans sa gouvernance. Plus on va dans le Nord, moins on a l’impression que les habitants ont un sentiment d’appartenance à leur pays et c’est là qu’apparaissent les premiers clivages. Les frontières qui ont été tracées ne correspondent pas forcément aux réalités humaines, et certains habitants ne se sentent pas représentées et ont des velléités d’autonomie. Dans le nord, le pouvoir central est peu représenté. Cela contribue donc à l’enjeu sécuritaire qui pose beaucoup de problèmes ce qui fait qu’il y a de nombreuses exactions qui sont commises dans le nord, ainsi que de plus en plus dans le centre du pays. Plus au sud, une voiture a explosé à 60 km de Bamako il y a deux mois. Hélas, les perspectives sont assez sombres. Les enjeux relatifs aux changements climatiques sont aussi très présents, avec une multiplication des épisodes climatiques intenses. Des fortes pluies entrainant des inondations, sans que l’eau ne puisse pénétrer dans les sols, ou des épisodes prolongés de sécheresse. Le projet IDDA travaille cependant à encourager l’utilisation de techniques agroécologiques afin de limiter l’impact des activités sur l’environnement.

Qu’en est-il pour Haïti ?

Ce sont des enjeux différents avec les mouvements sociaux anti gouvernementaux et des problématiques politiques internes, qui ont entrainé une très forte dévaluation de la gourde et ont plongé les Haïtiens dans de graves difficultés financières. Pour nos employés nous avons pris la décision de les payer en dollars US pour leur assurer une meilleure stabilité, mais le pouvoir d’achat a sensiblement diminué pour la plupart de nos bénéficiaires. Nous appuyons quatre centres, deux à Jacmel et deux autres aux extrémités du département. Les problématiques de transports sont un enjeu sérieux, mais dans l’ensemble le projet avance remarquablement bien. Nos employés sont très compétents et ne ménagent pas leurs efforts. J’ai eu l’occasion de visiter les écoles de formations et les jeunes finissants, en stage et insérés professionnellement et le bilan est là aussi très positif même si certaines exploitations porcines ont été frappées très durement par le virus du Teschen qui a décimé une partie des cheptels.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans le fait de partir en mission ?

Le contact humain est primordial et aller sur le terrain permet de mieux comprendre les problématiques rencontrées par les équipes sur le terrain. Rencontrer les bénéficiaires et découvrir leurs histoires à succès est aussi extrêmement motivant pour moi, qui suis beaucoup dans de la gestion de projet plus administrative, et de prendre conscience des enjeux que l’on ne voit pas nécessairement. Ces missions sont bénéfiques et permettent une meilleure appréhension des défis à relever.