Ces femmes qui se taillent une place dans un « monde d’hommes »

« Je n’ai jamais souffert d’être une femme. J’ai toujours su faire valoir mes compétences. Dans un milieu où c’est très difficile économiquement, j’ai toujours eu la chance d’être considérée comme une personne à priori compétente ».

C’est avec son regard franc et sa prestance naturelle que Martine Chandler nous a accueillies chaleureusement dans les bureaux d’Hibiscus, sa compagnie multimédia basée à Port-au-Prince. Dès les premiers instants de l’entrevue, on a senti tout de suite l’approche humaniste de cette femme d’affaires, alors qu’elle a préféré s’assoir à nos côtés, plutôt que de garder une distance, de l’autre côté de son bureau.

Mme Chandler, directive exécutive de la Chambre de commerce et d’industrie haïtiano canadienne (CCIHC) pendant plusieurs années, estime avoir fait du chemin en ce qui concerne son développement personnel, notamment par l’entremise du Programme de coopération volontaire canadien (PCV-Haïti).

« Il y a une autre façon de faire le développement économique, envisageable pour notre pays. Lorsque je suis partie en mission au Canada avec le PCV-Haïti, on nous a fait rencontrer des membres du réseau solidaire et ç’a été bénéfique pour la CCIHC et pour notre développement personnel. On nous a appris comment faire efficacement le réseautage et aller au-devant des gens qui nous semblaient inaccessibles », raconte-t-elle, le sourire aux lèvres.

Cet appui lui a donc permis de s’émanciper davantage dans toutes ses activités professionnelles, mais aussi d’encourager d’autres femmes à prendre leur place. « Le milieu des médias est généralement constitué d’hommes. Alors quand je rencontre une femme, je la pousse, je lui donne les formations nécessaires… j’essaie de faire cette différence-là », avance-t-elle avec conviction.

Si Mme Chandler envisage même de réaliser des conférences pour aider la relève entrepreneuriale féminine sur l’émancipation de soi et le sens du leadership, sachez qu’elle transpose aussi ces valeurs dans sa vie familiale, auprès de sa fille qu’elle veut amener à «pop it out», comme elle se plait à le dire!entrepeunariat_1

Un combat de tous les instants

De toute évidence, la CCIHC valorise l’apport féminin dans le monde des affaires, puisqu’au cours des dernières années, elle a su organiser plusieurs formations et activités de réseautage dédiées aux femmes, en collaboration avec les coopérants du PCV-Haïti. En tant que membre du conseil d’administration et ex-présidente de la CCIHC, Nathalie Pierre-Louis Laroche reconnaît les nombreux efforts qui ont été faits, de part et d’autre, pour stimuler l’engagement des femmes dans la communauté d’affaires haïtienne.

À titre de fondatrice de Crescendo, une compagnie qui se consacre à la responsabilité sociale des entreprises, Mme Laroche est reconnaissante de l’appui qu’elle a obtenu de la part du PCV-Haïti, dans un contexte où le développement des affaires est ardu. « Être entrepreneur en Haïti, c’est un combat quotidien. Il faut vraiment avoir l’âme. La logistique, les infrastructures, l’électricité, l’eau, on se bat pour tout! On se bat aussi à travers des périodes d’instabilité politique », souligne celle qui doit conjuguer son rôle de femme d’affaires, d’épouse et de mère.

Il y a aussi cette « peur » de se lancer en affaires, comme le témoigne Mirlande Bernard, secrétaire administrative à la CCIHC. Pour celle qui ne cache pas son désir de lancer sa propre entreprise, Mme Chandler est devenue un exemple de réussite, une inspiration pour elle. Comme quoi il est possible de réussir dans ce milieu traditionnellement réservé aux hommes.

« Les femmes d’affaires sont peu nombreuses, mais elles sont efficaces. Avec le PCV-Haïti, le monde des affaires est devenu une révélation. J’ai vraiment découvert ce qu’est l’entrepreneuriat féminin », se réjouit celle qui a participé tout récemment à une formation donnée par la coopérante Anna Adulcia Gaspard et le coopérant Christian Legault, du PCV-Haïti, sur la recherche de financement, le réseautage et le langage non verbal.

Au-delà de sa volonté de mettre de l’avant les femmes dans le milieu des affaires, Martine Chandler déplore cette tendance de la communauté à sous-estimer ses actions. « Historiquement, on a dévalorisé la population haïtienne. On ne nous a pas appris à croire en nous », regrette-t-elle. Malgré tout, cette dernière s’évertue, à travers ses émissions de télévision, à redonner la parole aux gens du peuple, à faire connaître les actions des intervenants des quartiers populaires, entre autres, et à valoriser l’apport de tous les acteurs de la société.

Alors, s’il y a une leçon à retenir de ces femmes entrepreneures: il faut croire en ses moyens et être solidaires. Coûte que coûte.

À propos du PCV-Haïti

La Chambre de commerce et d’industrie haïtiano canadienne (CCIHC) est appuyée par le Programme de coopération volontaire d’appui à la gouvernance, à l’éducation et au développement économique en Haïti, qui est géré par un consortium de quatre organisations canadiennes. Le Centre d’études et de coopération internationale (CECI), l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), la Fondation Paul Gérin-Lajoie (FPGL) et le Service d’appui canadien aux organismes (SACO). Ce programme est financé par Affaires mondiales Canada. Fondée en 2004, la Chambre de Commerce et d’Industrie Haïtiano Canadienne contribue au développement des affaires de ses membres par la création d’échanges commerciaux entre un réseau d’entreprises canadiennes et haïtiennes.

Photo : Martine Chandler, fondatrice de l’entreprise multimédia Hibiscus. (Photo : Josianne Desjardins)

Josianne Desjardins – Collaboration spéciale – Programme de coopération volontaire canadien (PCV-Haïti)