La serviette réutilisable pour la santé et la rétention scolaire des filles

Au Bénin, le groupement des Femmes Battantes s’est lancé dans la fabrication de serviettes hygiéniques lavables réutilisables. En complément de leur activité de maraîchage afin de consolider les revenus des sept femmes membres du groupement, ces ingénieuses entrepreneures soutenues par l’ONG RAIL et son directeur Éric Prosper Dossa ont tôt fait de comprendre l’impact social et économique de cette initiative qui leur vaut l’admiration de leur communauté. Récit d’un succès sanitaire au féminin avec le témoignage de Fernande Ahissouvou, actrice de changement, présidente du regroupement engagée sur la voie d’ISEF – Initiative pour la co-construction d’un savoir commun Sud-Sud et Sud-Nord sur l’Entrepreneuriat féminin – portée par la Fondation Paul Gérin-Lajoie jusqu’en 2024, grâce à un financement du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec au travers du Nouveau Québec sans frontières.

Leader et ambitieuse, Fernande a osé faire le saut dans la dimension entrepreneuriale avec le projet de fabrication des serviettes hygiéniques lavables et sa commercialisation. Au préalable, elle avait réalisé son propre diagnostic. D’abord socialement, relevant les moqueries des garçons envers les jeunes filles en période de menstrues, souvent contraintes à manquer les cours. Et environnementalement, car les serviettes commerciales causent de la pollution. C’est grâce à une formation octroyée par l’ONG RAIL qu’elle apprend les rouages de la fabrication dans le cadre d’ISEF, un programme d’autonomisation économique des femmes, d’amélioration de leur bien-être et du renforcement des droits destiné à favoriser l’entrepreneuriat féminin dans les régions de Comé et Porto-Novo, au Bénin, et le district de Kirehe, au Rwanda.

Fernande apprend la couture et peut compter sur le matériel fourni par le RAIL dans le cadre d’une formation offerte à 15 femmes issues de huit regroupements. Elles parviennent à fabriquer des serviettes en coton, esthétiques, confortables et pratiques, avec leur bande de tissu imperméable et bouton pression. Un matériel à leur disposition grâce à un fournisseur de la capitale Cotonou. Ce modèle original est une alternative aux serviettes commerciales vendues entre 2000 et 3000 francs CFA (soit près de 7 dollars canadiens). Les serviettes de Fernande coûtent 500 francs CFA l’unité, et le lot de 6 revient à 3000 francs CFA. Un avantage économique pour un usage écologique dans un pays où l’éducation aux règles d’hygiène menstruelle demeure un enjeu de sensibilisation, surtout auprès des garçons et des hommes.

Évoquer l’hygiène menstruelle appelle au dialogue parents filles, rappelle Éric Prosper Dossa. Une communication ouverte et sans tabou qui doit permettre une meilleure compréhension de cette période et des manifestations dans le corps de la jeune fille, souligne-t-il. Par l’avènement des serviettes lavables, on assiste aussi à une innovation favorable au changement des mentalités. Améliorant sans cesse le modèle pour un confort optimal, Fernande et ses pairs font preuve de détermination à percer le marché et à s’y tailler une place de choix malgré la concurrence. Relevant le pari avec ambition, les Femmes battantes espèrent étendre leur commercialisation auprès des milieux ruraux, dans les villages afin que les filles en menstrues ne subissent plus d’impact dans le processus de leur évolution scolaire et professionnelle et soient respectées.

La santé menstruelle est définie comme « un état de bien-être complet, physique, mental et social, qui ne se limite pas à l’absence de maladie ou d’infirmité, en relation avec le cycle menstruel » (UNFPA, 2022). Elle implique une gestion adéquate de l’hygiène menstruelle (GHM)[1], or étant encore une réalité taboue, de nombreuses adolescentes n’ont pas accès aux informations requises, sont souvent peu préparées à avoir leurs règles et à savoir comment les gérer. Au travers de ses divers projets (ISEF, PASSREL, le Programme CLÉ et KIX), la Fondation et ses partenaires du continent africain et d’Haïti contribuent à la lutte contre la précarité menstruelle, en sensibilisant les communautés à l’égalité de genre et aux droits et à la santé sexuelle et reproductive.

[1] Désigne l’accès à des informations, une préparation et un soutien adaptés qui permettent aux jeunes filles de gérer leurs menstruations de manière hygiénique, avec dignité et en toute sécurité (ONU)

Saviez-vous que… les premières règles qui surviennent entre 10 et 16 ans sont pour de nombreuses jeunes filles dans le monde, une expérience difficile, voire traumatisante, particulièrement pour celles se trouvant en situation de vulnérabilité ?

Plusieurs d’entre elles sont contraintes de limiter leurs activités quotidiennes durant leur cycle menstruel, non seulement à cause de l’inconfort ou des douleurs ressenties, mais aussi en raison de moqueries, de stigmatisations, de préjugés auxquelles elles font face et de certaines normes socioculturelles qui contribuent à leur exclusion sociale.

Dans certaines sociétés, les femmes et les filles sont considérées comme contaminées et impures durant la période de leurs règles, et des restrictions leur sont imposées, telles que l’interdiction de cuisiner ou de participer à des activités communautaires. Ces limitations, restrictions et stigmatisations engendrent des impacts néfastes sur leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie. Selon l’UNESCO et l’UNICEF, une fille sur dix en Afrique subsaharienne manque l’école lors de son cycle menstruel ce qui représente 20 % du temps scolaire perdu sur une année.

De nombreuses jeunes femmes africaines entrepreneures produisent des serviettes menstruelles réutilisables à prix abordable avec des produits locaux. De plus, elles forment et sensibilisent les jeunes et les communautés sur la gestion de l’hygiène menstruelle, contribuent à l’autonomisation des filles et des femmes et à la protection de l’environnement. Les ventes de ces serviettes permettent à des groupements de femmes d’obtenir des revenus complémentaires à leurs activités.